Un voyage à vélo de la Nouvelle-Zélande à la France sans prendre l’avion : découvrez l’interview de Charlie et Violette, deux cyclotouristes qui vont vous faire rever !
Bonjour ! Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Nous sommes Charlie et Violette, un couple basco-sarthois en milieu de vingtaine. Nous nous sommes exilés quelques années en Aotearoa, la magnifique Nouvelle-Zélande, qui est vite devenue notre second pays de cœur.
Le projet : Antipode sans carbone
C’est là-bas qu’est né notre projet Antipode Sans Carbone: rejoindre notre France natale depuis son antipode aux longs nuages blancs sans avion, à la voile et à vélo. Un défi apologie du voyage lent, contre-pied au tourisme de masse.
Charlie a pris la mer en avril 2019 jusqu’à Bali, puis a traversé à vélo les grandes îles indonésiennes de Java et Sumatra en solo. Violette a alors rejoint l’aventure à Singapour fin octobre 2019. Nous avons depuis parcouru 10 000 kilomètres à quatre roues dans l’Asie du Sud-Est.

Est-ce que ce long voyage à vélo est votre première expérience ?
C’est notre tout premier long voyage à vélo ! Tant qu’à faire, on s’est dit que traverser la moitié du globe serait un bon échauffement.
Plus sérieusement, on a commencé doucement par des courtes étapes, et puis petit à petit nous avons augmenté les kilomètres quotidiens. C’est un pur régal depuis le début et on ne s’imagine tout simplement plus voyager autrement –sauf à la voile pour changer de continent!
Combien de temps partez-vous ?
Nous avions prévu une arrivée en France début 2021, ce qui correspondait à 15 à 18 mois en selle à peu près. Aujourd’hui, avec la situation sanitaire que nous connaissons tous, nous ne sommes plus sûrs de rien.
Quel est votre budget de ce voyage à vélo au long cours ?
Nous dépensons peu, puisque nous campons presque toujours ou dormons chez l’habitant. La nourriture est notre principale dépense, avec les frais de VISA.
Tout inclus, nous avons un budget de 15 000 euros pour 2 approximativement.

Comment avez vous défini l’itinéraire de ce long voyage à vélo ?
Pour définir l’itinéraire vélo, nous avons passé de nombreuses heures à épier la carte relief de GoogleMaps et ses vues satellites, en rêvant derrière notre poste de bureau et avons épluchés beaucoup de forums. Après notre traversée de l’Asie du Sud-Est, nous avions choisi de traverser la Chine des contreforts du Tibet à ses routes de la soie, puis passer des hauteurs du Pamir Kirghize et Tadjik aux déserts et cités millénaires de l’Ouzbékistan puis du Turkménistan, avant de transpercer l’Iran et la Turquie jusqu’à l’Europe.
C’est une des 3 routes possibles, les 2 autres étant de prendre au sud de l’Himalaya par l’Inde, le Népal et le Pakistan ou de rejoindre la Russie après la Chine.
Le plus difficile était certainement de respecter les contraintes des saisons, pour éviter l’hiver sur les toits de l’Asie Centrale, la mousson en Asie du Sud-Est… et faire coïncider tout cela avec la saison non-cyclonique dans le Pacifique Sud en amont. Finalement, nous avions trouvé le moyen de combiner tout cela parfaitement… et puis le COVID-19 est arrivé!
Pourquoi un voyage sans carbone ?
Le voyage sans carbone est à la base du projet. De par nos formations professionnelles et notre parcours, nous sommes particulièrement sensibles aux problématiques écologiques. Nous sommes des amoureux de la Terre et de sa nature, et constatons tristement que nous nous rapprochons dangereusement du point de non-retour. Nous avons donc drastiquement changé nos modes de vies et limiter notre empreinte carbone est devenu une priorité absolue. Et honnêtement, nous n’en sommes que d’autant plus heureux!
Voyager « sans carbone » et donc plus lentement, à la voile ou à vélo, c’est aussi redonner au temps sa vraie valeur, multiplier les rencontres, les sourires, sortir des sentiers battus et retrouver l’authenticité… En bref, c’est un pur bonheur.
Dans le cadre du projet, nous faisons également des interventions dans les lycées sur notre route pour sensibiliser la jeune génération aux enjeux du réchauffement climatique, à la protection de la biodiversité et des écosystèmes… Et présenter un petit peu notre projet de voyage alternatif.
Comment trouver un bateau pour rallier l’Asie depuis la Nouvelle-Zélande ?
Il y a 2 méthodes principales : aller dans les marinas directement avec son grand sourire et sa motivation frapper aux ponts des voiliers, ou bien utiliser les sites internet dédiés. C’est la 2ème méthode qui a le mieux marché pour moi! Certains capitaines de bateaux en tour du monde recherchent des équipiers pour les aider à effectuer les tâches du bord, principalement les manœuvres et les quarts de nuit, et postent ainsi des annonces. Le meilleur site selon moi est FindaCrew/FindaBoat.
J’ai trouvé un premier monocoque qui m’a emmené de Nouvelle-Zélande au Vanuatu, puis un second navire, un catamaran cette fois, sur lequel nous avons navigué jusqu’en Indonésie via la Papouasie Nouvelle-Guinée et le Détroit de Torrès. Nous étions 3 à bord des deux voiliers et partagions simplement les frais de nourriture.
Mon conseil, c’est simplement de montrer sa grande détermination et soif du grand large. Soyez également certains de ne pas avoir le mal de mer et de vraiment avoir envie de le faire, car après 2 jours en mer, l’un ou l’autre ne pardonnent pas! L’expérience n’est pas un souci : on apprend très vite à bord.

Le covid vous a stoppé net, ou êtes-vous actuellement ?
Oui, voilà plus de 4 mois que nous sommes bloqués au Laos! Nous voyageons beaucoup plus lentement depuis le déconfinement, en prenant le temps d’explorer à fond chaque vallée où nous nous perdons. Le pays a largement été épargné par le virus, en plus d’être magnifique, et c’était finalement une chance d’être ici durant cette étrange période.
Nous ne planifions plus rien car nous ne contrôlons malheureusement plus notre voyage… Nous ne savons pas quels pays rouvriront leurs frontières ni quand. Pour les semaines à venir, nous allons nous diriger vers le Sud du pays, à contre-courant absolu du voyage, car c’est la seule région que nous n’avons pas encore visitée. Quant à l’avenir plus lointain, nous sommes dans l’inconnu total. Nous nous engouffrerons dans la première brèche qui s’ouvrira. Pour l’heure, nous attendons!
Votre meilleur souvenir lors de votre voyage à vélo ? Le pire ?
Le meilleur souvenir est forcément une des innombrables rencontres que nous avons faites… Une qui nous vient instantanément est Pa’ Masjid, en Malaisie. Nous pédalions dans une jungle dense dans le centre du pays et commencions sérieusement à nous demander où nous pourrions planter la tente au milieu de cette végétation impénétrable. C’est alors que Masjid nous est apparu, nous faisant signe de nous arrêter et de le rejoindre à sa table. Il a suffi de 3 minutes pour qu’il décroche 2 noix de coco de leur arbre et nous les tende et 2 minutes de plus pour qu’il nous invite à manger et dormir chez lui. Le lendemain matin, il nous préparait des « roti canai » et « nasi lemak » dont la simple évocation nous fait encore saliver, et nous remontions en selle fort d’un nouvel ami, la larme à l’œil en quittant celui qui était la veille un inconnu. Des rencontres fortes et marquantes, nous aurions pu en citer beaucoup d’autres, Thanh, Chandra, Jaya, Vi, Saifuddin et Anima, Bob, Doui… Elles sont l’essence du voyage.
Le pire souvenir est sans aucun doute les jours durant lesquels la crise COVID-19 a éclaté en Europe alors que nous étions au Vietnam. Du jour au lendemain, nous sommes devenu des parias, des déchets de la société, tandis que le peuple vietnamien pris de peur a réagi avec une grande violence. Nous nous sommes vus chassés de tous les lieux par de grands gestes et cris; les gens se bouchaient le nez d’un air écœuré en nous croisant, avertissaient « CORONA ! CORONA ! » à notre passage… Nous avons fait un stock de nourriture en urgence et sommes partis pour 5 jours à travers la jungle en autonomie le long de la frontière Laotienne –dans une région karstique qui s’est avérée être absolument splendide! Nous avons basculé au Laos au Nord de Phong Nha. 3 jours après, la frontière fermait.

Une anecdote rigolote à nous partager ?
On a eu la grande chance de rencontrer la plus grande araignée du monde sur un de nos bivouacs, au Laos ! Dans la province de Khammouane, nous nous étions trouvé une magnifique grotte pour camper au frais et à l’abri des orages. Pendant que nous préparions un superbe dîner de pâtes, nous avons repéré au bruit de ses pas sur le sol (!) l’énorme araignée de 30 centimètres de diamètre, qui s’enfuyait en courant vers le fond de la grotte. Ce spécimen le plus grand au monde, l’araignée des cavernes, habite uniquement à l’entrée des grottes de cette région; nous ne le savions pas! Et il a été découvert il y a 15 ans seulement, une chance on vous dit!
On aurait aussi pu citer le serpent qui est tombé d’un arbre sur le bras de Charlie dans un col entre Kasi et Luang Prabang ou le primate bodybuildé d’1 mètre qui l’a poursuivi dans la jungle de Sumatra. Le vélo en Asie du Sud-Est, c’est folklorique!
Avez-vous un conseil à donner que vous auriez aimé recevoir avant de partir ?
Toute pièce a une durée de vie, alors mieux vaut ne pas chercher les économies sur le matériel. Les seuls rares éléments sur lesquels nous avons voulu économiser en pensant qu’un milieu de gamme ferait l’affaire ont tous cassé prématurément et nous avons dû les remplacer. Pour le voyage à vélo au long court, le matériel le plus robuste est nécessaire pour s’éviter des soucis inutiles !
Aussi, c’est souvent lorsque la situation semblait la plus compliquée que les expériences les plus inoubliables sont arrivées. Alors, n’hésitez plus à vous lancer et à sortir de votre zone de confort!